samedi 16 décembre 2017

Se souvenir de Pauline Roland

Une commémoration importante

Tous les ans, le 16 décembre, sachons nous souvenir de Pauline ROLAND.



Cette institutrice féministe née en 1805 et morte le 16 décembre 1852 fut l’une des mères du mouvement coopératif français.

Elle a collaboré avec le socialiste fouriériste Pierre LEROUX à Boussac où il avait fondé un phalanstère dans la filiation de FOURIER.

Elle a aussi encouragé des travailleurs au chômage à créer leurs propres entreprises et à les gérer ensemble. Ainsi fut fondée l’Union des Associations de Travailleurs en 1848 qu’elle a dirigée. Cette structure était l’ancêtre de l’actuelle Confédération Générale des SCOP.

En 1851, Pauline ROLAND a été persécutée par l’ignoble tyrannie putschiste conduite par le méprisable Louis Napoléon BONAPARTE. Déportée en Algérie, elle n’a pu revenir qu’en 1852 gravement malade et est décédée à Lyon peu après son retour en France.

Pauline ROLAND a vécu en union libre, ce qui était perçu comme très audacieux à l’époque. Elle eut trois enfants et insista pour qu’ils portent son nom et soient élevés par elle. Elle a également recueilli la fille de Flora TRISTAN, Aline, qui allait devenir plus tard  la mère de Paul GAUGUIN.

En ces temps de querelles autour des APL, qu’aurait pensé Pauline ROLAND des technocrates qui conduisent une fronde contre le gouvernement élu et qui revendiquent le soutien des associations de locataires ?

L’histoire vue par une coopératrice

Pour comprendre les idées de Pauline ROLAND, il faut lire un ouvrage intéressant et disponible en ligne. C’est son Histoire de l’Angleterre depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (Desessart, Paris, 1838, volume 1, 300 p., signé sous l'orthographe Pauline ROLLAND avec deux L...)

Bien entendu, les connaissances historiques ont beaucoup évolué depuis 1838 sur l’antiquité et le Moyen âge anglais. Pauline ROLAND porte également beaucoup d’avis moraux sur les personnages historiques. Le livre est néanmoins surtout intéressant pour la vision du monde qu’il propose plus encore que pour les informations qu’il donne.

Pauline ROLAND présente ainsi le christianisme comme la religion des faibles et des opprimés par opposition au joug romain païen (p. 30).

Elle fustige la « lâcheté » d’Ethelred, le roi saxon qui n’a pas su résister à l’invasion danoise menée en 1013 par Sven, père de Canut le grand.

Pauline ROLAND contre les tyrans

Concernant Guillaume le Conquérant, qui envahit l’Angleterre à partir de 1066,  Pauline ROLAND ne mâche pas ses mots :

« Lorsque Guillaume fut véritablement roi d’Angleterre, l’oppression n’eut plus de bornes, et parce qu’il pouvait tout, il se crut tout permis » (p. 92).

Quand ce roi mourut, personne ne se soucia de ses funérailles dans un premier temps.

« Personne n’avait aimé Guillaume, et il fut abandonné de tous quand on n’attendit plus rien de lui » (p. 103).

En effet, « sa perfidie et sa cruauté n’avaient pas de bornes » (p. 104).

Guillaume le Conquérant n’est pas le seul souverain à être vilipendé par Pauline ROLAND.

Henri Ier Beauclerc, le fils cadet du Conquérant est fustigé ainsi : « Le roi haïssait ses sujets anglo-saxons qu’il accablait d’exactions » (p. 117).

L’héritière d’Henri Beauclerc, sa fille Mathilde, veuve du souverain du Saint-Empire romain germanique, et pour cela appelée l’emperesse, n’est pas traitée avec plus de ménagement par la féministe Pauline ROLAND qui lui reproche son refus de respecter les lois anglo-saxonnes aboutissant à sa fuite de Westminster en 1141 (p. 124).

On le devine, Pauline ROLAND n’aime pas les souverains autoritaires. Elle loue le fait que les rois saxons aient traditionnellement été élus en Angleterre et que ce qu’elle appelle le conseil national ait gardé une influence considérable pour régler les fréquentes querelles de succession parmi les successeurs de Guillaume le Conquérant (p. 126).

Du bon usage des mauvais rois pour la liberté

Pauline ROLAND apprécie aussi les efforts d’Henri II Plantagenet pour limiter les privilèges de l’Eglise qu’elle estime mauvais pour la bonne administration du pays (p. 136). C’est peut-être un anachronisme inspiré par l’anticléricalisme des milieux progressistes à son époque à elle…

Elle condamne les émeutes antisémites lors du sacre de Richard Cœur de Lion qu’elle décrit par le menu (pp. 149-152) en notant l’appât du gain de ceux qui les ont fomentées, au-delà des arguments qu’elle qualifie de « fanatiques ». Là encore, c’est parti d’un bon sentiment qui ne reflète peut-être pas les enjeux médiévaux.

Elle approuve la charte créant la commune de Londres accordée par Jean sans Terre qui voulait se créer des alliés.

Concernant ce souverain peu reluisant, elle remarque :

« Les brillantes qualités des princes sont rarement les auxiliaires de la liberté ; peu de chartes sont octroyées volontairement, et souvent le règne d’un imbécile tyran amène ce qu’on a vainement attendu de ceux que l’histoire appelle de grands rois » (p. 160).

Elle porte le même jugement sur son fils Henri III d’Angleterre dont le règne (1216-1272) est décrit comme une longue minorité où s’est exercée la domination de régents puis de favoris plus ou moins nuisibles :

« Les mécontentements que soulevaient tour à tour ces gouvernants aidèrent à la marche de la liberté, et on peut dire avec vérité que jamais roi si indigne n’eut un règne aussi fécond en heureux résultats » (p. 180).

C’est une référence implicite au roi Charles X dont la tentative d’absolutisme suranné a provoqué la révolution de 1830 en France…

Un passé relu avec des lunettes démocrates et humanistes

Le fait que Jean sans Terre ait été élu roi par le « conseil national » (p. 168) est aussi souligné. Son « libertinage », qualifié de « sans bornes » (p. 173) ont donc finalement des conséquences intéressantes.

Le 19 juin 1215, la Grande Charte (Magna Carta) est signée, contenant des « principes éternellement vrais ». Au final, la « lutte d’un grand peuple contre un misérable despote » a dès lors produit de bons fruits (p. 175).

On a ici la preuve que cette femme de gauche des années 1830 utilisait l’histoire d’Angleterre comme prétexte pour faire passer des idées contre la tyrannie monarchique avec des objectifs que les acteurs médiévaux dont elle loue les révoltes auraient trouvé sans doute surprenants.

Le Comte de Gloucester (1090-1147) allié de l’impératrice Mathilde ou le Comte de Leicester Simon de Monfort (mort en 1218) auraient été surpris de recevoir les éloges d’une féministe partisane de l’autogestion par les travailleurs des moyens de production… Soyons francs, ils auraient sans doute bien ri !

Les bornes et la servitude

On peut noter que Pauline ROLAND aime utiliser l’expression « pas de bornes ». En page 183, elle explique que la colère des barons médiévaux contre Henri III n’avait pas de bornes et que la prodigalité de ce roi n’avait pas de bornes non plus.

Cet appel à la modération et au contrôle de soi est aux sources de l’attitude du mouvement coopératif encore aujourd’hui.

Vouloir construire des limites pour poser des freins à la domination des uns sur les autres est également une préoccupation importante, d’où l’insistance de Pauline ROLAND sur les révoltes contre le servage de 1381 et son éloge du religieux « Jean BALL » (John BALL), « pauvre prêtre » trois fois emprisonné pour ses idées (p. 232).

Là encore, on peut ironiser sur l’apologie qu’elle fait de l’auteur d’une des phrases certes des plus révolutionnaires mais aussi des plus machistes de l’histoire médiévale (When Adam delved and Eve span, who was then the gentleman ?) (Quand Adam bêchait et Eve filait, qui était donc le gentilhomme ?).

Selon John BALL, les femmes étaient donc uniquement bonnes pour utiliser la quenouille… Ce qui avait un sens au Moyen âge où l’on disait d’un fief hérité par une femme qu’il partait en quenouille…

Si on veut faire un jeu de mots sur le nom de John BALL, on pouvait dire que son discours était parti en autre chose…

La société médiévale était inégalitaire et machiste, même quand elle s’opposait au despotisme monarchique ou seigneurial. C’est un point central que Pauline ROLAND a mal vu et qui explique les problèmes du mouvement coopératif aujourd’hui, puisqu’il a bâti de nouvelles hiérarchies élitistes camouflées derrière une démagogie prétendument hostile au servage.

La sympathie romantique

Pauline ROLAND fut une femme formidable mais elle est restée une dame de son temps, très marqué par la sensibilité romantique, ce qui n’est pas toujours désagréable. Elle n’aime pas trop les rois et les hauts aristocrates arrogants, mais dès qu’ils sont vaincus, elle sait les plaindre.

Edouard II est un « malheureux » quand il est assassiné par ses barons révoltés (p. 210).

La duchesse de Gloucester Eléonore COBHAM est une « malheureuse » quand elle doit faire amende honorable, accusée de sorcellerie (p. 267).

Pauline ROLAND a aussi toujours tendance à défendre les enfants, même quand ils sont rois.

Isabeau de Bavière, qui abandonne son fils Charles VII à la vindicte des Anglais, est qualifiée de « misérable Isabeau » et de « mère aussi dénaturée qu’indigne épouse » (pp. 257 et 258).

L’amour libre, d’accord, mais pas l’adultère… On peut approuver Pauline ROLAND tout en notant qu’il est difficile de juger les gens du Moyen âge avec notre morale des XIXe, XXe et XXIe siècles.

Elle qualifie aussi d’infamie la déposition du jeune roi Edouard V par son oncle Richard III avec l’assentiment d’un « parlement vénal » et du fait des agissements du « vil Buckingham », conseiller du nouveau roi (p. 294).

Pourtant, Pauline ROLAND explique à plusieurs reprises qu’elle préfère le gouvernement par les élus et qu’elle estime que le pouvoir royal, surtout quand il est placé dans les mains d’un enfant, mène à la catastrophe.

Néanmoins, une fois l’enfant destitué, elle plaint celui-ci en tant que jeune être humain digne de respect, d’amour, de protection et de mansuétude.

C’est charmant et il nous faut tenter de garder cette gentillesse.

La révolte du clergé privilégié des HLM

Qu’aurait pensé Pauline ROLAND de l’actuelle caste qui dirige les HLM ?

D’abord, elle l’aurait assimilée à un clergé.

Ensuite, elle en aurait sans doute dit beaucoup de mal. Elle aurait approuvé les questions légitimes de la CLCV qui a mis en cause la gouvernance des HLM et les rémunérations parfois mal contrôlées (https://www.cbanque.com/actu/48950/hlm-association-de-consommateurs-clcv-poursuit-son-operation-transparence).

Elle aurait approuvé la CLCV, qui a bien fait son travail et qui se réclame d’idées proches des siennes (en voulant encourager les citoyens à prendre leurs affaires en mains, ce qui devrait mener à l’autogestion dans les HLM).

Elle aurait, par contre, regretté que la CLCV abandonne aujourd’hui sa position vigilante pour donner sa caution à une opération de propagande menée par une élite autoproclamée avec l’argent des organismes HLM contre le gouvernement élu.

Pauline ROLAND n’aimait pas les clercs privilégiés. Autant elle se réjouissait de voir des tyrans féodaux maladroits faire monter par réaction les contrepouvoirs civils, autant elle approuvait les rois forts qui faisaient plier l’Eglise et ses prétentions.

Néanmoins, il ne faut pas désespérer, d’autant que la CLCV est très prudente, un peu comme gênée dans cette affaire. Qu’elle s’inspire donc de Pauline ROLAND qui n’a jamais été complaisante ou courtisane à l’égard des puissants et des gens établis.

Si les privilégiés prétendent réellement défendre les occupants des HLM, qu’ils leur laissent la place, comme en 1848 dans l’association dirigée par Pauline ROLAND où les ouvriers avaient pris le pouvoir. Alors seulement les récriminations contre le gouvernement qui prive de moyens les HLM pourront être entendues.


Quant à ceux qui prétendent que cet impossible, qu’ils vérifient ce qui s’est passé dans le mouvement coopératif où des SCOP sans élite prédatrice fonctionnent très bien (et en tout cas beaucoup mieux que des organismes mal gérés par des potentats). On rappelle qu’une société coopérative a fonctionné durant 7 siècles en France… Peu d’entreprises et aucun organisme HLM ne peuvent en dire autant.

mardi 14 novembre 2017

Quel statut pour le syndic ‘‘bénévole’’ rétribué ?

Des pressions liberticides sur le gouvernement

Le 10 février 2015, le député Stéphane SAINT-ANDRÉ a demandé au gouvernement s’il ne serait pas opportun de fusionner les statuts des syndics professionnels et des syndics bénévoles.

Cet élu radical de gauche, successeur de Jacques MELLICK à la mairie de Béthune (ce dernier étant un ‘‘vétéran’’ de l’affaire TAPIE…), sous-entendait qu’il fallait imposer les mêmes obligations de formation et d’assurance aux syndics non professionnels qu’aux syndics professionnels.

Le gouvernement a répondu que cette fusion ne lui semblait pas opportune (Rép. Min. n° 73562 JOAN Q, 11 avr. 2017 p. 2973, Annales des Loyers, juin 2017, pp. 37-38).

On comprend le gouvernement de l’époque…

Lorsque des personnes sont copropriétaires, elles sont propriétaires ensemble d’un même bien. Interdire à l’une d’entre elles d’assurer la gestion, c’est comme interdire à un adulte de gérer son propre bien.

Ce serait une violation grossière de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui prévoit, dans son article 17, que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ».

On rappelle aussi l’article 544 du Code civil qui dispose : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Le député Stéphane SAINT-ANDRÉ et ses amis syndics professionnels sont donc parfaitement d’accord pour faire payer les ménages en leur promettant qu’ils deviendront « propriétaires », tout en voulant les priver ensuite de leurs droits constitutionnellement reconnus, et notamment de celui de gérer leur propre bien.

Le gouvernement a fait preuve de sagesse en n’écoutant pas cette très mauvaise suggestion.

Une récidive, ou le retour des ‘‘oreilles’’ de syndics pros

Le lobby des syndics professionnels fait donc pression sur les élus dont il est proche pour tenter d’interdire la gestion non professionnelle.

Le présent blog l’avait évoqué.

En 2009, Rudy SALLES, un député médeciniste niçois, voulait ainsi empêcher la gestion non professionnelle pour les copropriétés de plus de 50 lots ou ayant un budget annuel de plus de 300 000 €. Les mandats de syndic non professionnel n’auraient été renouvelables qu’une fois et la détention d’un diplôme de droit immobilier ou de gestion aurait été obligatoire. Le syndic non professionnel aurait également dû avoir sa résidence principale dans la copropriété concernée (Bulletin de l’ARC, avril 2009, n° 84, p. 26).

Cette proposition était clairement liberticide, puisque le propriétaire d’un bien a le droit de le gérer comme il l’entend, d’habiter où il veut, et de ne pas être soumis à des conditions de diplômes pour gérer ses propres biens ! C’est d’autant plus drôle que, jusqu’à présent, il n’y avait pas de conditions de diplômes pour être salarié d’un syndic et donc gérer un portefeuille de plusieurs dizaines d’immeubles !

L’Association des Responsables de Copropriété avait lancé à ses adhérents : « De votre côté, n’hésitez pas à faire savoir à votre député que vous lui couperez les oreilles si d’aventure un jour ce projet venait à être débattu au Parlement et qu’il vote ‘‘pour’’. Les oreilles !!! » (« Les syndics bénévoles attaqués : l’ARC réagit », Bulletin de l’ARC, avril 2009, n° 84, p. 26).



Rudy SALLES, image de Nice Matin, les "oreilles" on vous dit...

Quand on connaît les tribulations de Jacques MEDECIN, les leçons de morale de ce député à l’encontre des syndics non professionnels étaient tout aussi difficiles à accepter que celles que donnaient Stéphane SAINT-ANDRÉ, successeur de Jacques MELLICK…

On ne peut que constater la facilité avec laquelle les syndics pros s’associent à ce genre de politiciens dignes d’être jetés dans le « basket of deplorables » de Hillary  CLINTON… C’est bien pour cela que les professionnels de l’immobilier sont radicalement inaptes à fournir les garanties que prône le présent blog.

L’agacement des syndics professionnels

Malgré ces méthodes épouvantables, le comportement des syndics professionnels peut s’expliquer.

Dans un décret n° 2015-342 du 26 mars 2015, un contrat type de syndic de copropriété a été promulgué. Dans son article 8, ce contrat type prévoit que le syndic non professionnel peut être rétribué.

Cela a pu surprendre les syndics professionnels qui s’en sont plaints en contestant la légalité de ce contrat type devant le Conseil d’Etat. Ce dernier leur a donné tort sur ce point (Jacques LAPORTE, Maurice FEFERMAN, « Le contrat type de syndic. Lorsque le Conseil d’État sanctionne le pouvoir réglementaire… » AJDI, janvier 2017, pp. 17 à 21).

Les syndics professionnels ont alors souhaité augmenter les contraintes qui pèsent sur les syndics non professionnels, car ils ressentent la présence de ces syndics dits ‘‘bénévoles’’ susceptibles d’être payés comme une concurrence déloyale.

Désormais, les syndics professionnels sont astreints à des impératifs de formation initiale et continue. Que des personnes susceptibles d’être payées puissent exercer sans être astreintes aux mêmes obligations est perçu comme une injustice.

Pourtant, la solution n’est certainement pas de restreindre les libertés publiques et de mettre sous tutelle les propriétaires de biens, sauf à bouleverser le marché. Imagine-t-on de soumettre les acquéreurs de lots de copropriété à une exigence de diplôme ? Si Rudy SALLES et Stéphane SAINT-ANDRÉ avaient été logiques, c’est ce qu’ils auraient réclamé.

Evidemment, les intervenants rétribués lors des ventes, agents immobiliers et notaires en tête, auraient été les premiers à hurler ! Si tous les acheteurs naïfs disparaissaient, ce serait une catastrophe pour les gens qui profitent du marché.

La vraie régulation par l’intelligence des acquéreurs

Les syndics non professionnels sont moins coûteux et présentent des garanties très supérieures quand on veut éviter le mélange des genres et les collusions avec divers prestataires intéressés.

Dans les petits immeubles et dans les endroits où le dégoût des promoteurs est à son comble, c’est largement la meilleure solution.

Néanmoins, les syndics non professionnels peuvent effectivement être incompétents, arrogants, prétentieux et ignares, comme des parvenus remplis de leur titre de propriétaires et se pavanant sans jamais justifier sérieusement leurs affirmations.

Pour l’éviter, multiplier les règles et les lois n’est pas nécessaire. Mieux vaut attirer l’attention des acheteurs sur des tests précis

Quand les syndics non professionnels, qui sont également des propriétaires, sauront que leur gestion sera évaluée selon des critères exigeants par les acheteurs, ils arrêteront de faire n’importe quoi.

Curieusement, ceux qui sont les premiers à comploter contre les syndics non professionnels ne s’appesantissent pas sur ces critères à développer pour prévenir les acheteurs…

En finir avec l’omerta

Face à certains pièges, les acquéreurs de biens immobiliers sont trop souvent confrontés au silence des professionnels rémunérés lors des ventes.

Des propagandes mal étayées incitent les ménages à devenir « propriétaires », alors que cela conduit parfois à la fragilisation de leur patrimoine.

Quant aux appels à l’implication des copropriétaires dans la gestion des immeubles, ils cachent fréquemment une forme d’élitisme.

Les syndics non professionnels consciencieux sont de moins en moins nombreux. Bien des citoyens soucieux de s’investir dans la gestion de leur immeuble doivent plutôt s’associer à des personnes déjà présentes sur place et ayant pris de mauvaises habitudes.

L’IGCHF (Institut des Garanties Citoyennes pour l’Habitat en France), a été créé afin d’initier un nouveau rapport au droit fondé non pas sur l’autoritarisme des notables mais sur une argumentation vérifiable. C’est le premier pas nécessaire pour échapper au mélange des genres où celui qui conseille a tout intérêt à mal conseiller celui qui l’écoute. Il s'est transformé depuis en l'association Les Garanties Citoyennes.

Pour briser la loi du silence, il faut donc donner des garanties. À cette fin, les opinions avancées doivent être fondées sur des références explicites au lieu d’être assénées de manière péremptoire par ceux qui profitent de l’aveuglement des acheteurs.

jeudi 10 août 2017

La Bohème, un tract ambulatoire pour l’extrême droite ?

Dans la RFCP n° 11 qui vient d’être mise en ligne aujourd’hui, les analyses de Christophe GUILLUY sont longuement analysées et discutées.
  


La faute aux bobos !

Depuis 2001, cet auteur a eu le mérite de révéler l’importance du phénomène bobo en France et cela sans fausse pudeur, lâcheté ou hypocrisie.

Le bobo (bourgeois bohème) existe, n’en déplaise aux biens pensants qui en font partie et qui tentent de lancer un nuage d’encre pour le cacher, un peu comme les pieuvres qui s’enfuient lorsqu’elles ont peur.

Christophe GUILLUY montre comment la bobocratie instrumentalise les étrangers précarisés et les pauvres tout en les exploitant. Les banlieues et les SDF servent d’écrans de fumée pour dissimuler les difficultés des classes populaires classiques devenues invisibles.

Ainsi s’est créée une France périphérique d’aidants qui font économiser 164 milliards d’euros à l’Etat chaque année, alors que la manne publique est concentrée sur les bobos de la France métropolitaine.

L’antifascisme est devenu une arme de classe pour faire taire tous ceux qui constatent ces violences sociales auxquelles se livrent les bobos abrités derrière leurs euphémismes et leur faux antiracisme moralisant.

Les libéraux libertaires bohèmes sont en fait les serviteurs zélés d’un capitalisme mondialisé, ce qui les détache des préoccupations des classes populaires. Les mobilisations hashtag pour se donner bonne conscience n’intéressent que cette élite cultureuse toujours plus repliée sur ses ghettos hédonistes et ignorante des réalités.

Selon Christophe GUILLUY, le vote FN est le symptôme de la révolte de la France périphérique contre cette Bohème odieuse.

Pour ceux qui accuseront Christophe GUILLUY d’être raciste, celui-ci souligne constamment que l’Outre-mer, où les Blancs ne sont pas majoritaires, est l’archétype de la France périphérique.

On notera, d’ailleurs, la montée du FN en Outre-mer, et notamment en Guyane.

Un bon diagnostic, mais un remède problématique

Les analyses décrites ci-dessus relèvent désormais de l’évidence. Les élections de 2017 ont montré la perte de vitesse des bobos et de leurs candidats politiques naturels (PS et EELV), tous à leurs rêveries sur le revenu universel, tandis que de nombreux Français doivent fuir les immeubles en copropriété nauséabonds et les banlieues ethnicisées pour vivre dans des zones pavillonnaires toujours plus éloignées.

Comme remède à ces évolutions, Christophe GUILLUY propose le retour de l’identité, sans préciser s’il prône plutôt la nostalgie ouvriériste façon France insoumise ou le retour du village gaulois façon FN.

Afin d’étayer son propos, Christophe GUILLUY cite Robert PUTNAM, tout en notant que ce dernier est de gauche.

C’est là que des réserves peuvent être émises.

PUTNAM, qui a été décoré par Bill CLINTON, est effectivement proche des démocrates américains, même si ces derniers seraient sans doute des centristes sur l’échiquier politique français, en sachant qu’ils ont soutenu ouvertement l’actuel président de la République.

Toutefois, le problème de Christophe GUILLUY dans son interprétation de PUTNAM ne tient pas à la question du positionnement politique mais plutôt à la précision dans la description du raisonnement.

Pour PUTNAM, dans ses écrits Bowling Alone (1995) (https://archive.realtor.org/sites/default/files/BowlingAlone.pdf) ou E Pluribus Unum (2007), il existe trois modèles pour décrire les réactions des populations face à la diversité.

Tout d’abord, les personnes diverses vivant ensemble pourraient ainsi devenir plus tolérantes et bienveillantes. C’est la théorie du contact.

On pourrait aussi penser que ceux qui voient arriver vers eux des gens différents auraient tendance à se souder pour résister aux intrus. C’est la théorie du conflit.

Enfin, on peut penser que des personnes différentes qui se côtoient ont des tensions entre elles qui les dégoûtent de la vie collective. C’est la théorie de la constriction.

Dans ses enquêtes, PUTNAM constate que c’est cette dernière théorie qui fonctionne aujourd’hui aux Etats-Unis.

Christophe GUILLUY en déduit pour la France qu’il faut moins d’immigration. Surtout, il prévoit que les classes populaires vont se regrouper sur une base identitaire pour résister à l’élite mondialisée.

Christophe GUILLUY, en se ralliant à la théorie du conflit, semble avoir lu PUTNAM trop rapidement. Pour l’auteur américain, la France périphérique telle que la décrit Christophe GUILLUY serait non un cadre de mobilisation contre l’élite mais un lieu de démobilisation.

La diversité des métropoles crée des tensions qui chassent les classes populaires des centres urbains après les avoir dégoutées de l’action collective.

Dans ce cadre, comment relancer une dynamique civique sans attendre une remobilisation identitaire peu crédible et sans croire non plus aux âneries bohèmes sur le participatif ?

La discipline contre l’identité

Christophe GUILLUY aime le peuple, ce qui est tout à son honneur.

Par contre, la logique de l’action collective n’est pas sa préoccupation principale. Même s’il parle de la défiance liée à la diversité et qu’il évoque sommairement PUTNAM, il ne cite pas les nombreux travaux intervenus dans ce que l’on appelle les sciences citoyennes, bien que ces études puissent aussi être critiquées, évidemment.

Pour que les citoyens se mobilisent, encore faut-il organiser la société dans ce sens.

L’invocation de l’identité n’est pas suffisante, dans ce cadre. Le repli sur des quartiers pavillonnaires homogènes non plus. Le voisinage cordial limité dans le cadre d’un repli de chacun derrière ses haies de thuyas ne permet pas une résistance efficace face aux élites.

Christophe GUILLUY, qui a longtemps été au service d’élus locaux, n’est pas gêné par le consumérisme et la dépendance qu’il induit à l’égard des notables. Bien qu’il critique la lubie de la démocratie participative qui n’est qu’un gadget utilisé par des bobos et des technocrates afin de manipuler les classes populaires, il s’accommode d’une forme de décervelage de la France périphérique dans le rêve simpliste d’une homogénéité identitaire.

Pendant ce temps, personne ne conquiert une réelle autonomie par rapport aux experts établis.

Christophe GUILLUY a donc raison de stigmatiser la tentative de domination culturelle des bobos sur le peuple. Par contre, il devrait moins négliger la division du peuple entre, d’une part, des consuméristes endormis par le rêve identitaire qui acceptent la domination des élites et, d’autre part, des affranchis qui construisent une capacité d’indépendance face aux bureaucrates, aux notables et aux Bohèmes, y compris en acceptant la contestation de chacun de ces groupes. En effet, celui qui est vraiment libre ne redoute pas la contradiction. Sinon, il prend le risque de rester piégé par des illusions.

Les bobos ont sans doute eu des torts et méritent la défiance voire la réprobation de tous. Cette stigmatisation peut néanmoins être positive. En ostracisant les Bohèmes, on les amène à rester vigilants et critiques face à ceux qui ont secoué le joug culturel qu’ils ont voulu imposer. Et la critique vigilante n’a jamais fait de mal à personne. Quand elle est déplacée, il suffit de le démontrer, et on se renforce d’autant.

La cité antique d'Athènes ostracisait des citoyens qui, parfois du seul fait de leur passé, présentaient une menace pour le corps civique. Ce n'était pas une sanction pénale mais plutôt l'accomplissement d'un devoir civique. Les ostracisés devaient quitter le sol de la Cité mais ne perdaient ni leurs biens, ni leur citoyenneté. Ils pouvaient même être rappelés. La noblesse, pour les bobos, devrait être de savoir accepter leur ostracisme pour le bien de tous. 

Si les bobos peuvent donc être à première vue les meilleurs alliés de l’extrémisme de droite quand le peuple se comporte en consumériste, ce n’est plus le cas lorsque les citoyens décident sérieusement de s’affranchir tout en le prouvant, aux autres comme à eux-mêmes. Le bobo, tout illégitime et ostracisé qu’il soit, devient alors un aiguillon dont le regard critique et malveillant aide à faire ses preuves.

lundi 24 juillet 2017

Les 150 ans de la loi du 24 juillet 1867


Le 24 juillet 1867, une loi du Second Empire a permis la création de sociétés à capital variable. Ce fut un facteur essentiel pour le développement des sociétés coopératives en France, malgré la nocivité du bonapartisme en général.



L’aboutissement d’une histoire mouvementée

Entre 1789 et 1791, l’Assemblée nationale constituante a souhaité détruire les corporations qui existaient en France depuis le Moyen âge.

Le but était de supprimer toute intermédiaire entre les individus et l’État, afin de renforcer le pouvoir politique et d’assurer une égalité entre tous les habitants face à lui. La volonté de supprimer par magie la féodalité et les privilèges expliquait cette attitude.

Les syndicats et les regroupements de travailleurs dans le but de gérer leurs propres entreprises ont donc été interdits. Ce fut l’abominable loi Le Chapelier du 14 juin 1791.

Cette situation était inique. Les sociétés commerciales n’étaient pas interdites. Elles permettaient aux capitalistes de se rassembler alors même que les travailleurs n’avaient pas la possibilité de le faire.

En 1839, dans son ouvrage l’Organisation du travail, Louis BLANC (1811-1882) a imaginé la création d’ateliers sociaux où il n’y aurait pas de patron et où les ouvriers géreraient ensemble l’entreprise où ils travaillent.

En 1848, des ateliers nationaux ont été mis en place avec le soutien de la puissance publique pour employer des chômeurs. Toutefois, les forces conservatrices leur ont reproché d’avoir été des foyers de contestation lors des émeutes de juin 1848 qui furent violemment réprimées.

Tous les promoteurs des associations ouvrières furent donc persécutés. Louis BLANC dut s’enfuir en Angleterre, tout comme Jeanne DEROIN (1805-1894) un peu plus tard.

Pauline ROLLAND (1805-1852), qui présida l’Union des associations de travailleurs en 1849 fut jetée en prison à plusieurs reprises avant d’être déportée en Algérie et de mourir sur le chemin du retour.

Une évolution du régime putschiste bonapartiste

Une fois qu’il eut été solidement installé au pouvoir après l’avoir usurpé le 2 décembre 1851, Badinguet (alias Napoléon III) a tenté de se réconcilier avec la population ouvrière, notamment parce qu’il n’avait pas une confiance absolue dans la bourgeoisie conservatrice, souvent orléaniste, et encore moins en l’ensemble des grands propriétaires fonciers, fréquemment légitimistes.

Par une loi du 25 mai 1864, le délit de coalition fut aboli. Les associations ouvrières furent envisageables. La grève était même possible à condition qu’il n’y ait aucune pression sur les travailleurs.

Le 24 juillet 1867, dans une loi relative aux sociétés commerciales, le gouvernement a introduit un article 48 qui permet aux sociétés d’avoir un capital variable.

En fait, il s’agit d’une clause pouvant être insérée dans les divers statuts des sociétés. Les sociétés à capital variable ne sont pas des sociétés spécifiques.

Elles ont l’avantage de permettre l’entrée au capital de travailleurs qui n’ont pas besoin d’acheter des parts à une valeur élevée. La création d’une nouvelle part qui peut être acquise à la valeur nominale suffit.

Ensuite, les travailleurs peuvent quitter la société sans avoir besoin de vendre leur part à un éventuel acquéreur. La société peut leur rembourser la valeur nominale de la part qu’ils détiennent et diminuer le capital en conséquence sans formalité.

L’intérêt du capital variable pour la coopération

Depuis l’ordonnance n° 2000-92 du 21 septembre 2000, cette possibilité d’avoir un capital variable est inscrite à l’article L 231-1 du Code de commerce.

Le fait d’avoir un capital variable permet à une société d’augmenter ou réduire sans capital en étant dispensée de formalités de dépôt et de publication (article L 231-3 du Code de commerce). Les actions ou parts sociales sont alors nominatives (articles L 231-4 du même code)

La société dont le capital variable doit l’indiquer dans tous les actes qu’elle produit (article L 231-2 du Code de commerce).

Cette possibilité est particulièrement utile pour les sociétés coopératives.

La loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 sur les sociétés coopératives de production (SCOP) prévoit qu’elles ont un capital variable (article 3).

Les SCOP sont actuellement appelées plus généralement sociétés coopératives et participatives, même si l’ancienne dénomination n’est pas prohibée et est toujours mentionnée dans certains textes.

Malgré ses défauts et la déroute finale qu’il a provoquée en 1870, le Second Empire a donc initié un processus intéressant.

C’est une leçon instructive pour aujourd’hui.

Les individus méprisables, comme les consuméristes amoraux ou les bureaucrates irresponsables, peuvent, par égoïsme, lancer des démarches qui, finalement, se révéleront utiles. Pour cela, il faut qu’elles soient prises en mains par des personnes plus honnêtes, évidemment.

Ainsi, aucune coopérative n’a été créée par les affairistes nauséabonds qui pullulaient autour du pouvoir bonapartiste à la dérive…



Pour ceux que le droit des sociétés coopératives intéresse, il faut lire la revue en ligne Le Droit à la sauce piquante en s'abonnant librement ( (http://goo.gl/forms/GO1o5S4SPl).