samedi 17 janvier 2015

Pourquoi s’engager ?




Dans un ouvrage intitulé Pourquoi s’engager ? (Bénévoles et militants dans les associations de solidarité) (Payot, Paris, 2005, 212 p.), Bénédicte HAVARD-DUCLOS et Sandrine NICOURD ont présenté une analyse particulièrement utile, comme le montrent les pages citées ci-après.

L’engagement pour les autres est apprécié par les citoyens (p. 99). En effet, il donne du sens à la vie, malgré les difficultés du moment et les injustices passées (p. 113).

Encore faut-il que les structures associatives qui souhaitent bénéficier de la mobilisation des citoyens acceptent que la pertinence de leurs propositions soit vérifiée.

Les volontaires veulent défendre des valeurs. Dès lors, leur devoir est d’adopter le comportement qui permettra le mieux d’atteindre les objectifs visés. Cela implique une comparaison des diverses possibilités disponibles et donc une forme de concurrence entre plusieurs chemins éventuels.

Or, cette idée d’être soumis à la critique et à la concurrence est insupportable pour les potentats en place. Du coup, ils finissent par se recroqueviller sur des proclamations grandiloquentes totalement détachées des performances effectives. Cela conduit à une défiance des médias à l’égard de l’engagement (p. 186) et à un désenchantement des militants associatifs (p. 193) qui changent fréquemment de structures parce qu’ils recherchent un mode d’action plus efficace ailleurs.

La question est donc simple. Laissera-t-on les féodalités regretter les temps où les participants aux démarches collectives étaient dociles et peu mobiles (p. 174) ? Contraindra-t-on plutôt les potentats à accepter de faire leurs preuves et à être en permanence soumis au regard de citoyens autonomes qui, pour trouver mieux, doivent savoir voter avec leurs pieds ?

Deux visions du monde s’opposent donc dans le milieu de l’engagement. D’un côté, des individus manipulés sont aveuglément dévoués à un appareil qui leur promet monts et merveilles. De l’autre, des militants affranchis évaluent constamment l’opportunité de leur parcours au regard des buts qu’ils poursuivent (p. 189).

L’enjeu est donc clair. Merci à Bénédicte HAVARD DUCLOS et Sandrine NICOURD qui l’on posé dès 2005. Hélas, il a fallu attendre longtemps pour que la dangerosité de l’assujettissement individuel soit mieux perçue en France, et encore…

Des individus qui recherchent un sens à leur vie parce que le monde ne les satisfait pas, mais qui, dans le même temps, sont dénués de tout esprit critique, présentent un risque social majeur, car ils sont vulnérables face aux emprises sectaires. Si le phénomène devient massif, c’est vers l’obscurantisme que se dirigent des franges entières de la société.

Avant de se comporter avec arrivisme, les permanents associatifs qui reformulent les enjeux autour de leurs propres intérêts (p. 142) seraient mieux avisés de s’interroger. Les combats pour des valeurs qui permettent d’accéder à un progrès sont essentiels parce qu’ils offrent une perspective à ceux que l’injustice révolte. Détourner ces combats revient à priver d’espoir les mécontents. Ces derniers se laissent alors happer par des marchands de rêves qui promettent une société simple, ordonnée et stable où les élus auront leur place et où les méchants seront péremptoirement punis.

Quand la croissance économique offre à chacun une perspective d’amélioration de son niveau de vie, ces tentations sont plus faibles. A l’inverse, dans des temps où les défis économiques et environnementaux à relever seront croissants, le risque sectaire devient omniprésent.

La captation par des irresponsables des ressources civiques liées à la défense de valeurs essentielles devient alors particulièrement condamnable. Car la volonté d’engagement des citoyens est une ressource rare qu’il convient de respecter et non de gaspiller pour semer le dégoût et le désespoir.